Une amie vient de m'offrir un bol du porcelainier Bernardaud, faussement réparé selon la méthode japonaise du16e siècle, le kintsugi, alors que le bol est neuf, en parfait état et confectionné avec cette belle terre de chez nous, le kaolin, que Bernardaud sait si bien magnifier.
Comment a-t-elle pu m’offrir pareil cadeau? A-t-elle voulu payer ce prix insensé pour me prouver la qualité de son amitié ou alors se méprend-elle sur qui je suis?
Tout de suite cet objet m’encombre .
Construire de fausses cicatrices, même esthétiques, difficiles à réaliser et coûteuses sur un objet très pur, sobre et très beau me semble absurde et me fait penser à cette jeune femme au regard maquillée à outrance sous d’épaisses couches d’eye liner, mascara et fard à paupières.
Que cherche-t-elle à dire avec ce masque?
J’aurais tellement envie qu’elle gomme tous ces artifices, que son regard dénudé s’offre seulement à ceux qui le méritent!
Il me vient l’idée de proposer un marché à Bernardaud: échanger son superbe bol fardé de fausses cicatrices contre une réparation et une poétisation des fêlures de mon bol d’enfance, qui m’a accompagnée longtemps, qui a contenu tant de larmes, tant de silences, tant de secrets et auquel je suis tellement attachée!
Et je pourrais même le transmettre ensuite à ma petite-fille ...
Commentaires 1
Autrement dit ras le bol des faux semblants