Encrier 87

Elle me confie : "Je n'ai d'yeux que pour lui, c'est l'homme de ma vie". Je ne peux répondre qu'un petit "Ah !" timide, mais moi, ce mec, il me sort par les yeux. Mon silence la dérange ; après tant d'années d'amitié, elle n'est pas habituée à si peu d'arguments de ma part. Elle me fixe les yeux dans les yeux et me dit calmement : "Ah !... C'est tout ce que tu as trouvé ? D'habitude, tu es plus franc. Vas-y, n'hésite pas, avoue ce qui te gêne chez Peter. Ton avis est important. Tu es plutôt du genre à ne pas avoir froid aux yeux, alors je t'écoute !"

Elle a raison, je dois lui parler. Mais je pense à sa fragilité, ça va lui faire très mal, pourvu qu'elle ne tourne pas de l’œil à mon annonce ! Je me lance : "Tu sais, j'ai rencontré trois fois Peter au Condor. je n'ai pu m'empêcher de lui faire les gros yeux comme à un gamin pris sur le fait accompli d'une énorme connerie. Il était accompagné d'une femme blonde, et ce n'était pas sa sœur, je te le promets. Pas d’ambiguïté ! Un comportement qui saute aux yeux, qui montre bien qu'il est déjà en couple. Je suis vraiment désolé mais tu te mets le doigt dans l’œil en pensant que cet homme est toute ta vie. Quitte le tout de suite, sans regrets !"

Elle encaisse, mais des larmes coulent le long de ses joues. Je la prends dans mes bras, lui propose un café qu'elle accepte volontiers : "Oui, j'en ai grand besoin"... Après cette pause, elle reprend la parole : "Ne dit-on pas œil pour œil, dent pour dent ? Mais ma vengeance serait inutile puisqu'il n'a aucun sentiment pour moi. J'avais une telle confiance en lui, je n'ai rien vu, je l'ai laissé me manipuler les yeux fermés. Quelle imbécile, quelle idiote je suis ! Désormais, je tenterai d'avoir l’œil, mon manque de vigilance me coûte aujourd'hui les yeux de la tête sentimentalement. Je l'appelle pour lui fixer rendez-vous dans une heure... et le quitter, sans regrets en effet ! Merci à toi !