Encrier 87

Quand le Concombre masqué — surnom donné par ses copains à un grand amateur des bandes dessinées de Mandryka — arrive enfin au bord des falaises d’Étretat, il est sûr de lui et plein d’énergie .

Mais quand, au clair de lune, il croit entendre chanter une berceuse étrusque par des sorcières cachées dans les anfractuosités , il sent son énergie s’évaporer : c’est pour lui comme le chant des Sirènes pour les marins d’Ulysse . Il se bouche les oreilles.

Soudain, il imagine qu’une flambée venue d’un miel ésotérique jaillit du creux des rochers noirs.

Deux chauve-souris le survolent .

Son état empire : il a maintenant du mal à respirer, il suffoque . Il arrache son masque qui ne filtre plus rien.

Mais le vent apporte jusqu’à lui des effluves britanniques délétères qui le font sursauter . Il remet vivement son masque et sous les ricanements imaginaires des sorcières, il a la force de s’éloigner de ces lieux sulfureux .

Peu après, son énergie revenant, il repense à tous les signes reçus depuis le matin . Comment bien les interpréter pour se sortir des bourbiers du passé et de leurs hallucinations?

Il tente de se raisonner : « Ai-je rêvé? Cesse de chercher une réalité inaccessible; porte plutôt ton attention aux signes qui ne cessent de te faire signe; apprends surtout à les déchiffrer, arrête d’être hors-sol ! »

Tout à coup, il pense à ces lointains ancêtres qui croyaient aux oracles, et qui faisaient appel aux pythies et aux haruspices; il éclate de rire : « N’oublie pas ce qu’a dit — à cette époque lointaine —je ne sais plus qui :

« Deux haruspices peuvent-ils se regarder sans rire ? »

Il s’écrie: « Zut alors, adieu Concombre, c’est bien compliqué de trouver le bon chemin »