Encrier 87

Textes de 2022 Texte de Daniel de février 2022 : Comment vous sentez-vous ?

Comment vous sentez vous ?

Sortir de l'Encrier n'est pas chose aisée après une matinée dense, faite d'écrits fiévreux, de lectures partagées et des fils de nos échanges, dans une bulle de temps éphémère...

Auto du retour. Je saisis le fil qui m'apportera l'inducteur espéré; sorti de l'écheveau des mots et des idées, il sera la clef de nos écritures, de la mienne. Merci à Toi ô silence ambiant . . .

Heure creuse, le retour est aisé, mais que faire en pareille situation sinon que de songer ? Penser à l'inducteur salvateur qui est là, quelque part, si proche, il est comme ce mot que l'on a sur le bout de la langue...Nos échanges ont fait émerger le thème des cinq sens; l'odorat fut la rencontre avec ce qui demeure archaïque, lové dans le cerveau reptilien. Mon fil inducteur sera l'olfaction ! Ici ressurgissent deux souvenirs, une lecture, 'le Parfum' de Patrick Süskind, on y trouve l'odorat au service du crime,  l'autre c'est Marilyn, à la question "que portez-vous la nuit ?" elle répondit "quelques gouttes de N°5..."

Dans son opéra "Dom Giovanni", Mozart célèbre 'l'odor di fémina',  image qui heurta le XIXième victorien, partant puritain. Mais Amadeus, qui vécu peu mais intensément, savait de quoi il en était de ces bonheurs fugaces... L'Histoire nous rappelle que le XVIIIième fut le temps des perruques poudrées, des onguents et des parfums abondants...Tout cela pour masquer que, dans le plus beau palais du monde, Versailles, très peu était prévu, en quelques endroits, pour faciliter et accompagner les irrépressibles, les exigeantes humeurs corporelles. Le Palais était irrespirable souvent... Le Roi Soleil recevait ses  conseillers en trônant sur sa chaise percée...On croisait des valets qui circulaient portant des récipients faisant fonction de...pour les Messieurs, car pour les Dames l'amplitude des robes à paniers aidait bien... Il est vrai que la Cour fort nombreuse dépassait le cadre même du château admirable. Et que l'on ne s'étonne pas non plus que les jardins de Le Notre fussent si verdoyants...

Notre olfaction est tout à la fois un monde de souvenirs et la source de l'imagination, souvent débridée. Mais de l'imagination à l'agitation le chemin est court. Ainsi, juste après la guerre, Piaf chantait sa douleur d'avoir perdu son légionnaire qui "sentait bon le sable chaud...". Mireille parlait  "d'un petit chemin sentant la noisette..."Bien plus tard Enrico Macias nous a parlé de "l'odeur des oranges amères", la nostalgie toujours... Et que signifient ces vers : 'le ciel est bleu...la mer est verte...laisse un peu la fenêtre ouverte...', y-aurait-il une nécessité impérative d'aération ?            Et combien de fantasmes voguent dans le sillage de nos volatiles phéromones ? Les enfers de nos bibliothèques recèlent nombres d'ouvrages, jugés longtemps séditieux, et pour certains, il y a peu encore. Baudelaire fut condamné pour ses Fleurs du Mal ! Dans le poème 'Une charogne' il dit (résumons-le) "...brûlante et suant les poisons...ventre plein d'exhalaisons...la puanteur était si forte...cette horrible infection..."  Qu'en termes évocateurs ces choses là, immondes, sont dites...

"Les parfums ne font plus frissonner sa narine..." lit-on dans le Dormeur du Val. Devrait-on en déduire que la vie anosmique est semblable à la mort ? Le jeune Arthur le savait sans doute. Vivre c'est respirer et respirer c'est sentir, humer, flairer et ressentir tout un univers étrange, volatil et éphémère par nature. Sur le sujet le vocabulaire est fourni et les locutions sont nombreuses :   "aller le nez au vent, humer la fraîcheur de l'aube, marquer son territoire, avoir du nez, l'avoir  creux, être au parfum, se pincer le nez, sentir le souffre " (et "ç'ui-là j'le sens pas ! " relève du 6ième sens : l'intuition). Voilà déjà qui souligne l'importance de notre cinquième sens. Mais une exception toutefois :'avoir le nez sur le guidon' n'a rien à voir avec le monde de nos effluences.

Ce sens, si riche, porte plusieurs noms tels que: "olfaction, odorat, flair, odoration." Parfum, lui, se décline en "aromate, arôme, baume, eau de toilette et de Cologne, lavande, lotion,  effluve, nard, fragrance, suavéolence, opoponax, néroli, coumarine ..."

On voit par là qu'il y a matière à dire pour écrire. Et aussi "être mené par le bout du nez..." qui peut être pris suivant deux acceptions, d'abord suivre docilement quelqu'un de convaincant mais aussi suivre seul une piste odoriférante prometteuse...la locution latine 'sui generis' s'applique à de nombreuses situations mais quand elle suit le mot odeur nous sommes en présence de quelqu'un qui honore son animalité. Qui ne connait la robuste ambiance des vestiaires sportifs ?

Mais depuis deux années une aide nous est advenue pour lutter contre nos puantises : 'le masque' ! Une raison pour le porter, une de plus ...non ?

nb: au début de cette page je parlais du bonheur de pouvoir réfléchir dans le silence... (merci Zoé !)

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