Dans un bois
un homme s'égare
Un homme de nos jours et des siens en même temps
Et cet homme égaré sourit
il sait la ville tout près
et qu'on ne se perd pas comme ça
il tourne sur lui-même
Mais le temps passe
oui le temps disparaît et bientôt le sourire aussi
Il tourne sur lui-même
qui tourne autour de lui
L'espace est une impasse
où son temps s'abolit
D a un peu terreur
il a un peu ennui
C'est idiot se dit-il
mais il a de plus en plus terreur
ennui souci
Est-ce
Meudon la
Forêt-Noire Bondy
les gorges de
Ribemont
d'Apremont
il sait pourtant
que c'est le bois de Clamart
mais il y a quelque chose dans sa mémoire
dans son imaginatoire
quelque chose qui hurle à la mort
en lui tenant les côtes
Mais il a beau essayer de sourire encore
le fou rire de l'enfance
est enfermé dans le cabinet noir
Il a terreur et panique de logique
et dans ce bois comme navire sur la mer
il a roulis angoisse désarroi de navire
Oh je ne suis pas superstitieux
mais je voudrais toucher du bois
pour ne pas le devenir
Toucher du bois
tout est là
Et dans son désarroi
il se fouille comme un flic fouille et palpe un autre
être
Pas de cure-dents pas d'allumettes nulle amulette
Il est de plus en plus perdu aux abois comme biche ou cerf et il oublie de plus en plus que les arbres sont des arbres et que les arbres sont en bois
Toucher du bois
toucher du bois
Soudain derrière lui tout entier
le bois
dans un véritable fou rire
intact ensoleillé
disparaît
Sur une route
passe un laveur de carreaux
en vélo
une échelle sur l'épaule
beau comme un clown de Médrano
Une échelle
une échelle en bois
en bois à toucher
L'homme
comme un naufragé hurle terre
comme un assoiffé hurle eau
comme un condamné hurle grâce
l'homme hèle le cycliste
l'homme hurle bois
Le cycliste passe
Un corbillard rapide et vide
avec un chauffeur hilare
renverse l'homme sans s'en apercevoir.