Écoutez Jean Deschamps
De soy-même
Plus ne suis ce que j'ai été,
Et plus ne le saurais jamais l'être ;
Mon beau printemps et mon été
Ont fait le saut par la fenêtre :
Amour qui as été mon maître :
Je t'ai servi sur tous les dieux.
Ah si je pouvais deux fois naître,
Comment je te servirais mieux !
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Plus ne suis ce que j’ay esté,
Et ne le sçaurois jamais estre.
Mon beau printemps, et mon esté,
Ont faict le sault par la fenestre.
Amour, tu as esté mon maistre,
Je t’ay servy sur tous les dieux.
O, si je povois deux fois naistre,
Comment je te serviroys mieulx !
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Réponse au précédent
Ne menez plus tel desconfort,
Jeunes ans sont petites pertes :
Votre aage est plus meur et plus fort
Que ces jeunesses mal expertes.
Boutons serrez, roses ouvertes,
Se passent trop légèrement ;
Mais du rosier les fueilles vertes
Durent beaucoup plus longuement.
*
Sur le même propos
Pourquoy voulez-vous tant durer,
Ou renaistre en fleurissant aage ?
Pour aymer et pour endurer !
Y trouvez-vous tant d’avantage ?
Certes, celuy n’est pas bien sage
Qui quiert deux fois estre frappé,
Et veult repasser un passage
Dont il est à peine eschappé.
Epigramme sur le temps qui passe.
Les oeuvres de Clément Marot de Cahors,
Chez Etienne Dolet, Lyon, 1538