Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Paul Valéry Rencontre entre Paul Valéry et le compositeur Jean Françaix(1912-1997):Aurore-Cantiques des colonnes-Le Sylphe

Ci-dessous, vous trouvez les extraits des trois poèmes de Paul Valéry mis en musique en 1982 par Jean Françaix et chantés ci-dessous par le Netherlands Chamber Choir

Aurore

La confusion morose

Qui me servait de sommeil

Se dissipe dès la rose

Apparence du soleil.

Dans mon âme je m'avance

Tout ailé de confiance:

C'est la première oraison!

À peine sorti des sables,

Je fais des pas admirables

Dans les pas de ma raison.


Quoi ! c'est vous, mal déridées ?

Que fîtes-vous, cette nuit,

Maîtresses de l'âme, Idées,

Courtisanes par ennui ?

Toujours sages, disent-elles,

Nos présences immortelles,

Jamais n'ont trahi ton toit !

Nous étions non éloignées,

Mais secrètes araignées

Dans les ténèbres de toi!


J'approche la transparence

De l'invisible bassin

Où nage mon espérance

Que l'eau porte par le sein.

Son col coupe le temps vague

Et soulève cette vague

Que fait un col sans pareil...

Elle sent sous l'onde unie

La profondeur infinie,

Et frémit depuis l'orteil.

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Cantique des colonnes

Douces colonnes, aux

Chapeaux garnis de jours,

Ornés de vrais oiseaux

Qui marchent sur le tour,


Douces colonnes, ô

L'orchestre de fuseaux !

Chacune immole son

Silence à l'unisson.


--Que portez-vous si haut,

Égales radieuses ?

--Au désir sans défaut,

Nos grâces studieuses !


Nous chantons à la fois

Que nous portons les cieux !

O seule et sage voix

Qui chante pour les yeux !


Vois quels hymnes candides !

Quelle sonorité

Nos éléments limpides

Tirent de la clarté !


Si froides et dorées

Nous fûmes de nos lits

Par le ciseau tirées

Pour devenir ces lys !


De nos lits de cristal

Nous fûmes éveillées,

Des griffes de métal

Nous ont appareillées.


Pour affronter la lune,

La lune et le soleil,

On nous polit chacune

Comme ongle de l'orteil !


Servantes sans genoux,

Sourires sans figure,

La belle devant nous

Se sent les jambes pures.


Nos antiques jeunesses,

Chair mate et belles ombres,

Sont fières des finesses

Qui naissent par les nombres !


Filles des nombres d'or,

Fortes des lois du ciel,

Sur nous tombe et s'endort

Un dieu couleur de miel.


Et les siècles par dix,

Et les peuples passés,

C'est un profond jadis,

Jadis jamais assez !


Nous marchons dans le temps

Et nos corps éclatants

Ont des pas ineffables

Qui marquent dans les fables...

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Le Sylphe

Ni vu ni connu

Je suis le parfum

Vivant et défunt

Dans le vent venu !


Ni vu ni connu,

Hasard ou génie ?

À peine venu

La tâche est finie !


Ni lu ni compris ?

Aux meilleurs esprits

Que d'erreurs promises !


Ni vu ni connu,

Le temps d'un sein nu

Entre deux chemises !