(édition de 1486, reproduction dans le livre de l'abbé Dufour )
La Mort
Dégagez la route: vous avez tort,
Laboureur. Suivez-le, cordelier.
Vous avez souvent prêché au sujet de la Mort:
Vous devez moins vous en étonner,
Et encore moins vous en alarmer.
Il n'est homme si fort que la Mort n'arrête,
Aussi il est bon de se préparer à mourir.
La Mort est prête en tout temps.
Le cordelier
Qu'est-ce que vivre en ce monde?
Nul homme n'est assuré d'y demeurer.
Tout n'y est que vanité,
Puis la Mort vient, qui nous assaille tous.
Ma mendicité ne me rassure point;
Il faut payer l'amende pour nos méfaits.
Dieu juge rapidement:
Sage est le pécheur qui s'amende.
La Mort
Petit enfant, à peine né,
Tu auras peu de plaisir en ce monde.
Tu seras mené à la danse
Comme les autres, car la Mort a pouvoir
Sur tous. Depuis le jour de la naissance,
Chacun est voué à la Mort:
Fou est celui qui n'en a pas conscience.
Qui vit plus longtemps, a plus a souffrir.
L'enfant
A, a ,a, je ne sais pas parler;
Je suis un enfant et ma langue est muette.
Je suis né hier et dois m'en aller aujourd'hui:
Je n'ai fait qu'entrer et sortir.
Je n'ai commis aucun méfait, mais je sue de peur.
Il me faut prendre la Mort en gré, c'est le mieux:
Rien ne change les commandements de Dieu.
Le jeune meurt aussi vite que le vieux.
Édition de 1485-Bibliothèque de Grenoble