Écoutez Jean Vilar
EXIL
I
Portes ouvertes sur les sables, portes ouvertes sur l’exil,
Les clés aux gens du phare, et l’astre roué vif sur la pierre du seuil :
Mon hôte, laissez-moi votre maison de verre dans les sables…
L’Eté de gypse aiguise ses fers de lance dans nos plaies,
J’élis un lieu flagrant et nul comme l’ossuaire des saisons
Et, sur toutes grèves de ce monde, l’esprit du dieu
fumant déserte sa couche d’amiante.
Les spasmes de l’éclair sont pour le ravissement des Princes en Tauride.
II
À nulles rives dédiée, à nulles pages confiée la pure amorce de ce chant…
D'autres saisissent dans les temples la corne peinte des autels:
Ma gloire est sur les sables! ma gloire est sur les sables!...
Et ce n'est point errer, ô Pérégrin
Que de convoiter l'aire la plus nue pour assembler aux syrtes de l'exil un grand poème né de rien, un grand poème fait de rien…
Sifflez, ô frondes par le monde, chantez, ô conques sur les eaux!
J'ai fondé sur l'abîme et l'embrun et la fumée des sables. Je me coucherai dans les citernes et dans les vaisseaux creux,
En tous lieux vains et fades où gît le goût de la grandeur.
« ... Moins de souffles flattaient la famille des Jules; moins d'alliances assistaient les grandes castes de prêtrise.
« Où vont les sables à leur chant s'en vont les Princes de l'exil,
« Où furent les voiles haut tendues s'en va l'épave plus soyeuse qu'un songe de luthier,
« Où furent les grandes actions de guerre déjà blanchit la mâchoire d'âne,
« Et la mer à la ronde roule son bruit de crânes sur les grèves,
« Et que toutes choses au monde lui soient vaines, c'est ce qu'un soir, au bord du monde,nous contèrent
« Les milices du vent dans les sables d'exil… »
Sagesse de l'écume, ô pestilences de l'esprit dans la crépitation du sel et le lait de chaux vive!
Une science m'échoit aux sévices de l'âme... Le vent nous conte ses flibustes, le vent nous conte ses méprises!
Comme le Cavalier, la corde au poing, à l'entrée du désert,
J'épie au cirque le plus vaste l'élancement des signes les plus fastes.
Et le matin pour nous mène son doigt d'augure parmi de saintes écritures.
L'exil n'est point d'hier! l'exil n'est point d'hier! « Ô vestiges, ô prémisses »,
Dit l'Étranger parmi les sables, « toute chose au monde m'est nouvelle!... »
Et la naissance de son chant ne lui est pas moins étrangère.